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Nathan pas demain

Perdu

22 Octobre 2013 , Rédigé par JP

Après tous ces jours écoulés depuis la mort de mon petit, il reste encore des moments d'incrédulité. Non, cela n'a pas pu arriver, une telle chose ne peut être arrivée. Quand cela m'arrive, je passe pendant quelques instants en pause, temps suspendu. Il m'arrive ainsi de m'arrêter de parler, ou de marcher, le temps que j'intègre à nouveau la réalité, la triste réalité. Cela ne provoque pas vraiment de larmes, c'est dur de pleurer en ce moment, mais plutôt un vertige, une chute immobile, un woosh glacial. Cela avive les regrets, souligne tout ce dont nous avons été privé. Que ce soit Nathan, privé de tout ce que la vie peut apporter de bien, ou que ce soit nous, privés des bonheurs et des émotions qu'il n'aurait pas manqué de nous apporter.

Privé aussi du bonheur subtil de la vie quotidienne, ce bonheur que l'on envisage et considère que lorsqu'on l'a perdu ou qu'il est en danger. A la place on a tous ces "plus jamais", l'absence dans la durée, les silences, le manque de sujets de conversations et des blagounettes. Cette vie quotidienne où chaque moment, chaque repas, chaque sortie réveille les blessures et fait saigner là où nous avons été amputé.

Pendant la phase où nous avons reçu les condoléances, j'ai vu passer beaucoup de formules et de soutien, mais je me souviens d'une qui nous souhaitait de surmonter ce handicap. La phrase m'avait frappé par sa pertinence. De toutes les comparaisons, analogies et métaphores - et je peux dire que j'en ai envisagé énormément - , je trouve que la notion d'handicap est celle qui est la plus proche de ce que je ressens. On a perdu un membre, rien ne pourra le remplacer. Tous les moyens palliatifs ne seront toujours que des béquilles. A la douleur vive de l'arrachement, succède une cicatrisation longue et pénible, parsemée de douleurs fantômes et de cauchemars. Il y a un avant et un après. Tout ce qui était naturel et implicite, devient difficile, et surtout on mesure la chance qu'on avait d'être "valide". 

Et puis après, comme après la survenue d'un handicap, on a encore des choix: soit se laisser aller, sombrer dans l'amertume, cesser et renoncer, soit aller de l'avant, compte tenu des moyens qui nous restent et tâcher de faire ce qu'on peut dans le temps qui nous est imparti, puisque de toute façon on ne choisit pas.

Avec ce handicap invisible aux yeux de ceux qui ignorent, il est plus difficile d'avancer, tout requiert davantage d'énergie, mais beaucoup de choses restent encore possible. Emême si cela ne sera jamais la vie d'avant, la vie révée, une partie de notre futur est toujours entre nos mains.

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