Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Nathan pas demain

présumer

17 Septembre 2013 , Rédigé par JP Publié dans #états d'âme

Je ressens une inflexion dans le ressenti, dans le quotidien du deuil. En fait c'est même une combinaison de changements.

Le premier est une difficulté croissante à échanger sur le sujet avec d'autres personnes que le noyau familial, ma femme et ma fille donc.

L'envie d'en parler, d'évoquer mon fils, notre douleur, notre peine est toujours là, intense, mais l'impression de rabâcher, de tourner en rond agit comme un frein, une sorte d'auto-censure. Qu'ai-je à dire que je n'ai pas encore déjà dit ou écrit au moins une fois? Les sensations, le ressenti n'évoluent pas si vite pour qu'il y ait réellement de nouvelles choses à dire.

La volonté de l'entourage est aussi de nous tirer vers le haut, de manifester sa présence sans revenir sur le sujet, avec sans doute la volonté de ne pas raviver les douleurs. Le fait est qu'il n'y a rien à raviver; le sujet est bien omniprésent, qui tourne en boucles dans la tête, polymorphes, qui entraînent sur différents chemins, sur toutes sortes de réflexions ou considérations, mais qui grouillent, là, sans arrêt, juste en dessous de la surface. Cette surface, je l'habille de comportements quotidiens, j'y projette l'image attendue d'une existence qui reprends son cours.

C'est en partie ma volonté de présenter ce visage, même si quelque part en moi ça hurle; c'est aussi en partie pour répondre à l'entourage que je qualifierais de plus "lointain". En effet, pour certains déjà, l'heure serait venue pour nous de passer à une étape suivante de notre deuil. Comment leur expliquer que ce n'est pas vraiment comme ça que nous ressentons les choses? Mais en fait, il n'y a rien à expliquer, et donc le mieux est d'adopter la stratégie du masque et d'en assumer les conséquences. Même si des fois les larmes me montent aux yeux et que je sens mes tempes battre au rythme de mon cœur qui s'accélère.

Ensuite, il faut arriver à se convaincre d'en parler aux gens que l'on sait (encore) réceptifs quand c'est trop écrasant. Ou trouver des petits recoins où se réfugier quelques instants, histoire de desserrer l'étau qui appuie sur la cage thoracique

 

Le deuxième est que j'ai présumé de mes forces. J'avais pensé en entamant ce blog pouvoir rendre hommage à Nathan, dire qui il était, en tout cas comment je le percevais, au travers de ce que nous avions fait ensemble ou ce qu'il avait laissé comme traces. J'ai tout récemment essayé de plonger dans ce passé proche ou lointain, les photos, ses écrits, ce qu'il a pu nous laisser comme enregistrements, pour pouvoir raconter et  mettre en lumière… Fail! … Epic fail!! Je n'ai pas pu! Trop tôt peut-être encore, trop douloureux sûrement. Comme un plongeur en apnée qui veut aller au fond et qui s'asphyxie dès que la tête passe sous la surface. Trop de regrets, pris de vertige debout, au bord du gouffre vertigineux.

J'ai aussi présumé de mes forces en essayant d'envisager la place que l'on devrait faire à Nathan dans notre vie de tous les jours, comment agencer l'espace et vivre avec les objets qui "sont " Nathan. Même punition! Pan dans la gueule. Trop tôt. Je me suis retrouvé, foudroyé, hagard, la combi de ski et le casque de mon fils, serrés contre moi.

On verra, plus tard, oui c'est ça, plus tard.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
L
Saches que quoi qu il arrive, certain sont toujours la, toujours receptif.
Répondre