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Nathan pas demain

Regrets et culpabilités

30 Juillet 2013 , Rédigé par JP Publié dans #interrogations

Aussitôt que le drame est devenu inéluctable, l'issue fatale comme seule possibilité, je me souviens avoir reçu une décharge émotionnelle composée de tous les sentiments et interrogations. J'en ai aussitôt discerné une que je pouvais probablement maîtriser: la culpabilité.

J'ai aussitôt imaginé que parmi toutes les réponses émotionnelles à cette énorme agression, la culpabilité allait pointer le bout de son nez. Je me souviens m'être tout de suite dit qu'il ne fallait pas se laisser embarquer dans cette direction et qu'il fallait systématiquement rationnellement combattre ce sentiment.

Déjà, face à ça il m'a semblé que se rassurer en resserrant le couple, en s'appuyant l'un sur l'autre pourrait être bénéfique. La solidarité avec ma femme à ce moment-là me semblait importante, aussi je lui ai aussitôt dit qu'il fallait qu'on fasse front ensemble, et qu'il fallait chasser les éléments de culpabilité avant qu'ils s'installent. Tout de suite se rassurer mutuellement, ne pas accabler l'autre ou soi-même.

Parce que tous comptes fait, la première impression est terrible: en tant que parent, en tant que père on a failli, on n'a pas su protéger son enfant. Terrible défaite que de perdre son fils. Comment est-ce possible, qu'est-ce qu'on a fait ou pas fait pour qu'une telle chose arrive. Et puis c'est tellement facile dans cette situation de s'accabler. On a failli. Alors on cherche là où on aurait pu intervenir, le détail qui aurait dû nous alerter, le comportement anormal de l'enfant. On rejoue le film encore et encore. On se prend à imaginer si on avait eu la présence d'esprit de l'amener faire un examen poussé quand il a eu mal à la tête on l'aurait peut être sauvé. Que si on avait pas été la plage ce jour-là, il n'aurait pas eu cet accident. Que si on avait détecté qu'il avait l'air triste ce jour-là et si on avait insisté pour savoir ce qui n'allait pas il nous aurait mis sur la piste, qu'on aurait dû deviner qu'un drame atroce pouvait intervenir. Que si… Que si…Que sais-je…

Oh misère, tous ces "si", tous ces "peut-être", tous ces "j'aurais dû", ils se mélangent, ils tournoient dans la tête. Mais non! Stop! C'est comme ça. On ne pouvait pas deviner, les signes, si signes il y a eu, étaient bien trop subtils et dispersés dans le temps pour être détectables. Et puis nous, comment aurions-nous pu seulement penser un instant qu'une telle chose pouvait arriver. C'est tellement facile après de rejouer le drame, de se focaliser sur de petits fragments de cette vie quotidienne qui prennent brusquement une dimension après un tel drame.

Alors méthodiquement, aidés par les professionnels de la santé qu'on a interrogé, par notre entourage proche, par un long travail de réflexion, je pense avoir chassé la culpabilité de mon esprit. Rationnellement, point par point j'ai éteint les départs d'incendie de ce sentiment.

Je ne sais pas si en cet instant cet aspect des choses est totalement circonscrit, mais au moins j'ai l'impression d'avoir contenu le phénomène au maximum. Oh, je crains que cependant, là-bas, tout au fond de ma conscience, un petit germe pernicieux reste tapi et guette un moment de faiblesse, un de ces moments d'abattement et de désespoir pour essayer de revenir à la surface et revenir serrer mon cœur et torturer mon esprit.

Les regrets, eux, resteront éternels.

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